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Fanny Gicquel & Alice Delanghe

France, 1998 / France, 1995

Résidence Tempête #2
Résidence qui décentre le regard, sur un territoire isolé battu par les vents et les houles.

MARS 2021
Stagadon Le continent

« Une résidence tempête »

Fanny Gicquel est artiste invitée par Finis terrae – Centre d’art insulaire pour réaliser la Résidence tempête #2, en partenariat avec l’association A.J.D (Amis de jeudi dimanche), en mars 2021. Elle invite Alice Delanghe à se joindre à elle pour travailler à la fois sur le chantier naval de l’Aber Wrac’h et sur l’île Stagadon (Finistère Nord).

Ensemble, et avec le concours des personnes du chantier de l’A.J.D, nous avons réalisé une édition en série et à tirages limités, formalisant nos recherches photographiques et textiles autour de l’idée de transmission. L’édition comprend également un entretien réalisé avec la chercheuse Nadia Fartas avec laquelle nous échangeons sur le projet, le quotidien dans ce contexte maritime mais aussi la vie de jeune artiste. Afin que ces images glanées et pièces produites lors de nos rencontres, nos partages et nos solitudes continuent de voyager nous l’avons offert à différentes personnes à travers la France.
Cette résidence s’ancre à la fois dans une dimension sociale et artistique par les visites de lieux artistiques brestois avec les stagiaires du chantier, ainsi que dans l’échange autour de notre projet de création. Nous avons proposé aux stagiaires de découvrir un ensemble d’œuvres filmiques d’artistes contemporains, portant sur le rapport du corps au paysage, le temps d’une projection sur le chantier. Également, nous avons initié deux ateliers : le premier sur la technique du cyanotype, le second sur la technique de la fonte avec notre ami et artiste Boris Régnier.
Nous avons réalisé sur l’île de Stagadon une vidéo en collaboration nommée « As-tu déjà vu battre le cœur d’un rocher ?». Cette vidéo en triptyque est principalement réalisée dans le paysage extérieur. L’œuvre questionne le concept de transmission à travers le geste, le mouvement et le dialogue avec les éléments naturels. Les images, présentées côte à côte contiennent des motifs et des espaces en dialogue et offrent la possibilité d’une double lecture ainsi qu’un glissement entre elles. Ce scénario mystérieux et poétique est accompagné d’un poème anonyme trouvé suspendu dans un arbre au hasard d’une de leurs ballade. Traduit en plusieurs langues, il renforce leur interrogation : Qu’est-ce que transmettre et comment transmet-on ?
Enfin, Alice réalise le documentaire “Démerdons-nous pour être heureux” qui est un hommage à Michel Jaouen. Ce documentaire réunit quelques fragments de notre expérience au sein de cette communauté.

Extraits de l’entretien avec Fanny Gicquel & Alice Delanghe par Nadia Fartas, juin 2021

EXTRAIT 2

N.F : Est-ce que cela signifie que le médium, la technique, ce sont ces éléments qui déterminent en partie le projet? D’une certaine manière, ils induisent déjà un type de relations humaines, vous les avez sciemment choisis pour cette raison.

F.G : C’était très important pour nous qu’ils puissent repartir le soir même avec l’objet tel un souvenir, une présence de moment partagé. Nos ateliers d’initiation s’intéressent principalement à la notion d’empreinte que ce soit avec la technique du cyanotype ou bien celle de la fonte. L’empreinte, c’est la forme, la marque réalisée ou imprimée dans la matière. Dans ce contexte, l’empreinte c’est le geste, la présence qui relie les stagiaires au projet et au moment passé ensemble. De manière directe, ces médiums étaient donc en relation à l’humain.

N.F. : …”à l’humain”, c’est à fire, pour reformuler ce que tu viens de dire, ces médiums n’obligeaient pas d’emblée les personnes à montrer des qualités. Cela vous permettait de ne pas mettre les personnes face à l’idée “d’incompétence”.

F.G. : Exactement, c’est essentiel que les stagiaires ne se sentent pas illégitimes et qu’ils ne se comparent pas les uns les autres. Nous avons aussi pris en compte la temporalité afin d’offrir la possibilité à tout le monde de participer. S’ils ont envie de venir cinq minutes, ils ont la possibilité en ce temps très court de réaliser un cyanotype ou un objet en fonte. S’ils veulent rester deux heures et en faire vingt, ils le peuvent aussi.


Si nous avions dit aux stagiaires que chaque intervention durait trois heures, et bien peut-être aurions-nous eu moins de monde. Par exemple, quand quelqu’un s’est attelé à la tâche de poncer quelque chose, il y est vraiment, il ne peut pas s’absenter parce que sinon il ralentirait ses camarades, il a une vraie responsabilité vis à vis du projet collectif.

EXTRAIT 3

N.F. : Vous avez déjà en partie énoncé des sentiments représentatifs de ce moment de travail. Aviez-vous des attentes précises au départ? certains sentiments vous paraissent-ils plus appropriés que d’autres pour rendre compte de cette résidence? Fanny, tu nous en déjà dit un petit peu à ce sujet.


F.G. : Notre attente commune c’était d’être à la hauteur, légitimes, en confiance, pour mener à bien cette résidence, surtout au moment où on allait collaborer avec les stagiaires à l’Aber Wrac’h. Pour moi, l’attente elle se jouait vraiment à ce niveau.

A.D. : Dès que Fanny m’en a parlé, j’ai eu très envie de partager cette expérience avec elle, j’avais envie de découvrir cet endroit incroyable du chantier de l’Aber Wrac’h, un endroit communautaire. Je savais qu’il se passait des choses intéressantes là-bas et quand Fanny m’en a parlé, ce fut une grande joie. Les attentes, les attentes…j’ai des choses à dire sur les sentiments plutôt.

F.G. : Ce n’est pas facile de répondre à cette question, car nous avons toujours eu en tête, car nous avons toujours eu en tête que nous devions être flexibles et réactives, prêtes à l’irruption de l’imprévu au niveau du projet comme des rencontres. Cette attitude déjoue l’attente et les idées préconçues. On ressentait plutôt de l’excitation, de l’impatience. Pour moi, ce qui importait c’était que tout se passe bien dans la rencontre, que le contexte permette à chacun de se sentir à l’aise. Si on peut parler d’attentes, alors elles étaient de type pragmatique: qu’on ait assez de bois sur l’île par exemple, que l’ont n’ai pas trop froid. Le sentiment général que j’en retire, c’est une forme d’intensité de l’expérience. Je ne pensais pas que ça s’inscrirait autant en moi d’un point de vue humain et professionnel. Et puis, on ressent de grands contrastes dans le travail: on est d’abord avec beaucoup de monde, et ensuite on se retrouve toutes seules sur l’île. Les paysages sont très forts émotionnellement. On a aussi parlé toutes les deux d’une grande sérénité sur l’île, même dans l’espace de l’aber, parce que c’est un espace très calme: il peut y avoir des tempêtes au large, et on n’en perçoit rien du côté où l’on se situe. On voit bien les marées qui fluctuent, et en même temps on est entièrement protégé. C’est un endroit qui est magnifique, sublime, avec une nature très sauvage, incontrôlable. Elle ressemble en quelque sorte aux gens là-bas, la nature est un peu indomptable. Alice a employé ce mot et je le trouvais très juste.


A.D. : C’est vrai ce que tu dis sur les similitudes entre la nature et les gens qu’on a rencontrés. Je voudrais ajouter quelque chose, à propos de l’entraide: que ce soit celle entre les gens sur le chantier ou celle entre toi et moi. Je repense à la vie sur l’île et à toutes nos actions du quotidien, elles étaient des collaborations en soi et chaque action avait son histoire. C’était fort de se rendre compte toutes les deux de toutes ces choses qui peuvent être partagées pour vivre au quotidien, et que j’ai aimé faire, tout simplement: aller chercher de l’eau, comme tu le disais tout à l’heure, allumer le feu…Cela m’a beaucoup marquée. Et puis ce qui est important à noter c’est que parfois il y avait des choses à réajuster sur place, au jour le jour, parce que tout ne se passait pas forcément comme prévu. Avoir trop d’attente ou trop prévoir les choses peut facilement générer de la déception. Quand j’ai une idée trop figée dans la tête et que je n’arrive pas à mener à bien la production comme je l’avais pensée, c’est très frustrant sur le moment, alors qu’en fait ce n’est pas grave, c’est juste de l’imprévu et il faut savoir lâcher prise.



Le film documentaire

DÉMERDONS-NOUS POUR ÊTRE HEUREUX

Un film d’Alice Delanghe

Lien vers la vidéo


“Démerdons-nous pour être heureux” est un hommage à Michel Jaouen : en 1951, il fonde l’association Amis de Jeudi Dimanche (A.J.D). Elle a pour objectif de réunir des personnes en réinsertion et d’autres au parcours plus ordinaire pour une formation de six mois en rénovation, construction de bateaux et en navigation. En mars 2021, les artistes Fanny Gicquel et Alice Delanghe se rendent sur le chantier naval de l’A.J.D, à l’Aber Wrac’h en Finistère nord. Cela dans le cadre de la Résidence tempête #2, coordonnée par Finis terrae – Centre d’art insulaire et l’A.J.D. Ce documentaire réunit quelques fragments de l’expérience des deux artistes au sein de cette communauté.

“Démerdons-nous pour être heureux”, vidéo 8’30 min, 2021.
Production : Finis terrae – Centre d’art insulaire.
Réalisation : Alice Delanghe, avec la complicité de Fanny Gicquel.
En partenariat avec A.J.D – Amis du jeudi dimanche.
Dans le cadre du dispositif « culture solidaire » du Conseil départemental du Finistère.
Avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne et du Conseil régional de Bretagne.


Dans le cadre de la Résidence tempête #2, programme réalisé en partenariat avec l’association A.J.D (Amis de jeudi dimanche).
Ce projet a été réalisé dans le cadre du dispositif « Culture solidaire » du Conseil départemental du Finistère, avec le soutien du Conseil régional de Bretagne, de la Drac Bretagne et de l’École européenne supérieure d’art – site de Rennes. Nous remercions chaleureusement tous nos partenaires d’avoir rendu cela possible.